Après Coups

2021-2022

Synopsis :

Alice et Tatiana se sont rencontrées dans une association d’hébergement pour femmes victimes de violence, innovante et unique en son genre. La force de leur nouvelle amitié va-t-elle leur permettre de se reconstruire après leurs épreuves respectives ?

Que se passe-t-il quand une femme veut quitter son conjoint violent? Qu’est ce qui va l’aider ou au contraire qu’est ce qui va la retenir dans ce piège trop souvent mortel ? Les questions soulevées par ces départs forcés sont autant d’interrogations adressées à la société qui peine à y apporter des solutions efficaces.

Note d'intention

 Les images qui viennent à l’esprit quand on parle de violences conjugales sont celles de femmes au visage marqué par les coups, au regard baissé et à la voix tremblante. Ce sont des images de victimes, que l’on associe souvent aux classes défavorisées ou populaires. Ces représentations sont pourtant assez éloignées de la réalité du problème qui touche toutes les classes sociales et tous les âges.

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J’ai voulu aborder ce sujet d’une autre façon à travers la proposition documentaire Après Coup(s). Comme pour la majeure partie d’entre nous, l’évocation des tragiques féminicides dont la presse se fait à présent régulièrement l’écho, me donne un sentiment d’effroi et d’impuissance. Je veux, au delà de l’horreur des histoires singulières, questionner les responsabilités politiques et institutionnelles. Je trouve autant nécessaire de s’intéresser aux moyens d’éradiquer cette violence que de comprendre ses mécanismes. La violence faite aux femmes et dont les enfants sont aussi les victimes est un problème de société et notre problème à tous.

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un nouveau drame vienne s’ajouter encore à la trop longue liste des femmes dont le calvaire se termine sur une table d’autopsie, comme si le gouvernement n’a toujours pas pris la mesure de la dangerosité de ces hommes violents multirécidivistes. Je suis une femme, et c’est quelque chose qui me touche particulièrement. Je souhaite que le film « Après Coup(s) », permette au public de dépasser le constat et de questionner les causes et les solutions. Car elles existent, encore faut-il qu’elles puissent être mises en œuvre et encouragées.

Alice et Tatiana, les deux jeunes femmes que je vais suivre pendant un an, ont eu la chance de se rencontrer dans une structure très particulière, issue de la vision d’Evelyne. Après 10 ans de travail sur le terrain comme ancienne assistante sociale, à déplorer l’inadéquation des réponses aux problèmes rencontrés par les hébergées Evelyne a elle-même crée ce lieu avec le soutien de son mari Jo.

« Pause aux Filaos » a été conçu à partir des besoins énoncés par les victimes de violences qu’Evelyne voyait trop souvent contraintes de retourner au domicile conjugal faute de solutions adaptées.

Alice et Tatiana sont toutes les deux arrivées à la fin de l’année 2020 à « Pause aux Filaos » où elles ont été entourées et soutenues par une équipe de 10 professionnels.  A présent, elles sont écoutées, conseillées et accompagnées. Cependant l’association, un peu à l’écart des lignes budgétaires institutionnelles bien que plébiscitée pour ses résultats peine à survivre et se bat pour développer une maison sociale qui permettrait d’accueillir plus de femmes avec ou sans enfants. Evelyne espérait que le Grenelle permette de faire évoluer les choses plus rapidement, mais elle commence à déchanter.

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Comme beaucoup d’associations et d’acteurs du terrain, l’ex magistrat Luc Frémiot est plutôt critique sur le Grenelle des violences conjugales qui présente plus d’un an après sa tenue un bilan mitigé. Si des assouplissements législatifs ont été actés, l’absence de budget supplémentaire, le manque de pilotage national et les tours de passe-passe budgétaires soulignent l’incapacité de la mise en place d’une politique publique forte sur cette question. Par exemple le gouvernement a annoncé investir 1 milliard sur cette cause alors que dans les faits 72% de cette somme soit 834 millions ont été investis sur des opérations à l’international. Pourtant la violence faite aux femmes avait été énoncée comme la grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron.

La pandémie avec les confinements est venue attiser les foyers de violences et le nombre de plainte a augmenté de 30% après le premier confinement. Luc Frémiot a d’ailleurs lors de notre rencontre préliminaire formulé cela de façon assez saisissante en disant que les victimes de violences vivaient un confinement permanent avec leur bourreau, elles sont surveillées et contrôlées constamment.

Lors des échanges que j’ai pu avoir avec  des rescapées ou survivantes de violence domestique, j’ai constaté un décalage entre l’imaginaire morbide véhiculé par ces drames et la force de vie de ces femmes. J’ai donc choisi de m’intéresser à ce qui va leur permettre d’échapper à la maltraitance malgré l’emprise ou la peur.
Quelles sont les étapes du parcours lorsqu’est prise la décision de quitter des situations de violence qui parfois durent depuis des années ? Quel accompagnement permet de franchir ces étapes et de se reconstruire ? Et qu’est-ce qui fait défaut ou pourrait être amélioré ?

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 Le choix de suivre Alice et Tatiana s’est imposé lors des premiers repérages filmés car toutes les deux, surmontant la peur, avaient décidé de témoigner à visage découvert. La force de leur amitié vient transcender leur vécu traumatisant auprès d’un conjoint violent, l’alliance qu’elles ont formé, m’évoque un irrésistible duo à la Thelma et Louise.

Dans le cas de Tatiana, son ex mari membre du GIGN la harcèle encore et elle vit toujours sous la menace de représailles. Son ex mari étant spécialisé dans les opérations de pointe de la gendarmerie, elle sait qu’il a plus que les moyens nécessaires pour l’atteindre. Cependant, elle a choisi de continuer à vivre et de ne  pas se laisser intimider par les menaces. Pour Alice, l’enjeu est de réussir à préserver ses deux jeunes enfants, dont son ex conjoint se sert pour se venger d’avoir été quitté et la déstabiliser. Les 2 jeunes femmes ont conclu un pacte : celui de s’en sortir ensemble avec leurs enfants.

Cette alliance passée entre les 2 jeunes femmes, permet une structure narrative puissante car elle oppose un démenti à l’isolement dont souffrent souvent les victimes, elle représente aussi une promesse, l’espoir d’une vie nouvelle et d’une liberté reconquise. Leur sororité vient comme une réponse symbolique à la masculinité toxique qui est le terreau des violences faites aux  femmes.

A travers les parcours d’Alice et Tatiana, le film explore des trajectoires et des outils de reconstruction, pour éclairer les enjeux de ces situations que nous croisons tous un jour ou l’autre dans la vie. Pour cela, j’ai voulu m’immerger à Pause aux Filaos où ces femmes sont accueillies et accompagnées avec bienveillance lors des moments cruciaux qui suivent l’abandon du domicile conjugal ou la séparation avec le conjoint violent.

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La fuite à l’issue d’une crise plus aigue que les autres ou à la faveur d’un réflexe de survie venant supplanter les peurs et la sidération, est le début d’un long parcours au cours duquel elles vont devoir se confronter à toutes sortes de questions et parfois d’obstacles, mais cette fois avec la possibilité d’un nouveau départ et d’une renaissance.

Avec ce film, je voudrais changer le regard apitoyé, horrifié ou parfois même condescendant que l’on porte sur les femmes victimes de violence. Elles n’ont pas cessé d’être dignes de vivre car elles ont enduré toutes sortes de sévices, au contraire, elles ont une capacité de résilience incroyable si on leur laisse la possibilité et le temps de se reconstruire.