NOTE D’INTENTION

Doris : J’ai commencé à m’intéresser à l’Islande à partir de la banqueroute de 2008 après laquelle le pays a été secoué par une succession de crises politiques. En jouant un rôle

prépondérant dans la rescousse du pays, les femmes ont fait de grandes avancées et l’Islande est aujourd’hui le pays au monde où l’égalité femmes-hommes est le plus avancée y compris sur la question salariale.

En 2017, j’ai mis en chantier un film autour de plusieurs personnages féminins incarnant le corps politique, le corps social et l’entreprise que je voulais suivre sur une période de 4 ou 5 ans. J’ai filmé l’Islande comme un laboratoire de la démocratie dans lequel le chaos pouvait être transformé en opportunité de changement.

Une des protagonistes que j’avais choisie, KATRIN JAKOBSDOTTIR, est devenue la Première Ministre à la faveur d’une crise politique préfigurant la déferlante #metoo lors de mon premier tournage sur place. Je suis allée tourner régulièrement en Islande tout au long des 4 ans du

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mandat de Katrin Jakobsdottir , première femme PM issue de la gauche verte.

Autour de ce projet, j’ai rencontré Alice Cagnat, une jeune réalisatrice, de l’âge de ma fille. Elle aussi attirée par l’Islande. Elle a rejoint mon équipe et nous avons toutes les deux séjourné à plusieurs reprises sur l’île des femmes. La richesse du sujet, la force des rencontres a suscité un intense dialogue entre nous, sur le leadership des femmes, son impact sur les questions environnementales, sanitaires et politiques mais également sur la manière dont nos propres

2 identités de femmes étaient travaillées par ces échanges au long cours avec nos Sprakkar .

En fait, chaque fois que nous nous rendions en Islande, nous avions l’impression de faire un bond dans le temps et de nous retrouver dans une dystopie dans laquelle l’égalité des genres n’est plus considéré comme un combat mais comme une avancée pour toute la société. Dans cet ecosystème humain apaisé, l’objectif devient la recherche commune de solutions permettant de faire face aux grands défis qui marquent le XXI siècle et non la cristallisation de ce qui nous sépare les uns des autres.

Dans un monde de plus en plus polarisé, cela nous a incitées à imaginer un projet pour partager nos réflexions sur un ton plus personnel et le podcast s’est présenté comme le support idéal.

Alice : Ma mère s’était rendue en Islande et m’avait raconté cette île incroyable, première démocratie au monde à avoir élu une femme présidente au suffrage universel. En 2019, je

découvre le travail de Doris Buttignol qui travaille sur cette histoire des femmes en Islande. Suivant une impulsion, je la contacte et nous nous rencontrons. Le courant passe immédiatement, j’ai envie de travailler sur ce projet qui explore tant de questionnements qui m’habitent.

Je pars à plusieurs reprises avec elle en tournage. J’apprends beaucoup au fur et à mesure des

1 Le film est actuellement en fin de post production et sera diffuse# dans sa version 52 min en novembre 2023 sur la RTBF sous le titre : « Islande : femmes au bord de la crise de terre » et dans sa version 75mn : « Islande : terre de Sprakkar » de#but 2024 sur la chaine Ushaia.
2 Sprakkar : mot islandais ancien de#signant des femmes hors du commun.

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rencontres avec les islandaises que Doris filme. Toutes ont une personnalité bien affirmée et me donnent du courage : celui d’être moi et de défendre les valeurs en lesquelles je crois. Les luttes menées avec ardeur et humour par les femmes islandaises depuis leur célèbre grève nationale de 1975, la place qu’elles ont réussi à prendre dans la société est devenue une inspiration sur laquelle je m’appuie pour me construire.

En Islande, je trouve des oreilles attentives où je peux m’exprimer sans crainte. Pas d’autocensure, tout est matière à discussion pour avancer ensemble. C’est ce qui m’a réconciliée avec une histoire de lutte des femmes où je ne trouvais plus ma place en France. Je suis tellement enthousiasmée que je me mets à apprendre l’islandais !

Si cela a été pour moi un regain d’espoir, il le sera pour d’autres. Cela m’a donné l’envie de transmettre cette expérience à travers un podcast, un support qui correspond pleinement à ma génération traversée par toutes ces questions.

Doris et Alice : Nous avons rencontré et enregistré des dizaines de femmes au cours de nos sessions de recherches, d’écriture et de tournage autour de cette question : Comment

l’organisation égalitaire des rapports sociaux des sexes permet à l’Islande d’évoluer vers une société humaine progressiste, pacifiée et surtout mieux armée pour relever les immenses défis qui nous attendent en tant qu’espèce ?

Guidées par cette idée, nous avons imaginé un dispositif narratif construit à partir d’un dialogue entre nous deux, où nous échangeons sur notre expérience islandaise.

Nous avons alors rédigé un premier projet sous forme de série, avec lequel nous avons été sélectionnées pour l’atelier podcast du festival international des scénaristes de Valence en juin 2022. Sous l’égide de Camille Juzeau, nous avons approfondi notre réflexion sur le projet et commencé à scénariser son découpage en épisodes thématiques.

Quel imaginaire s’est déployé qui nous a menées aux confins de l’Arctique, comment le réel est venu modifier cet imaginaire et finalement comment nous ressentons cette terre ? Comment les rencontres avec les Sprakkar nous ont impactées, traversées, transportées ou fait réfléchir. Ce territoire mystérieux se découvre à travers un fil narratif singulier, incarné, porteur du point de vue de chacune. Ce procédé narratif nous permet de convoquer des figures de leadership féminin islandaises historiques ou contemporaines.

Après l’atelier podcast, nous retournons ensuite ensemble en résidence d’écriture en Islande avec l’aide de l’alliance française pour nous immerger dans notre sujet sur place. Grâce à nos contacts privilégiés développés pendant les 5 ans précédents, nous avons accès à un casting exceptionnel au service de notre sujet.

Cette page d’histoire que les femmes islandaises écrivent collectivement aujourd’hui est habitée par l’esprit de celles qui les ont précédées et qui leur ont transmis leur capacité de vision et d’action. En 2025, les islandaises vont célébrer un double anniversaire : les 50 ans de la grève nationale des femmes et les 110 ans de l’obtention de leur droit de vote. Leur long chemin vers l’égalité devient une source d’inspiration pour d’autres femmes, ailleurs dans le monde.

Les correspondances qui s’installent au fil du dialogue donnent la mesure du propos qui dès lors

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n’est plus réduit à sa condition insulaire. Dans les paysages spectaculaires et poignants, s’enracine une mythologie, les traces d’une création primordiale. Le récit est narré du point de vue singulier de 2 femmes originaires d’un autre pays qui traversent ce territoire avec curiosité et fascination. Armées d’un lexique franco islandais, elles parcourent l’histoire et la géographie d’une terre de feu et de glace à nulle autre pareille.

En mai 2023, nous avons suivi un stage de formation à L’INA : conception et réalisation d’un podcast, encadré par Marie Guérin. Au cours de ce stage nous avons conçu la maquette ci-jointe, qui est une première esquisse de notre projet et permet de donner une idée du style que nous imaginons, mais qui n’est évidemment pas un extrait d’un épisode finalisé.

Au cours de l’automne 2023, le film Islande : terre de Sprakkar dans ses 2 versions est en fin de post production et nous sommes enfin disponibles pour nous investir pleinement sur le podcast. Nous avons environ 80 heures d’archives audio accumulées entre 2017 et 2023 que nous devons cataloguer en fonction des 4 épisodes. Si une grande partie de la matière sonore est déjà existante, il reste à écrire et enregistrer la narration, l’habillage sonore et éventuellement les quelques personnages manquant à notre présent casting.