La vie est une maladie mortelle

2022

Synopsis :

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Un documentaire de création de Doris Buttignol et Cyril Barbançon

Intentions de réalisation :

A l’annonce du cancer, le monde a basculé. En état de sidération, je suis embarquée dans une course de vitesse contre le crabe qui me grignoter de l’intérieur.

A quoi tient une vie. Ma vie ?

Une certitude m’envahit : si la guérison doit se produire, elle ne sera pas l’effet de ma passivité. Je commence à aborder la maladie comme une expérience dans laquelle la vie et la mort sont étrangement entremêlées. Pour m’échapper du Royaume de l’Empereur de toutes les maladies, je dois établir une cartographie de ce qui se passe dans mon corps, cet inconnu.

 Au départ de ce projet, il y a l’idée que le patient puisse concourir à sa guérison, ou tout au moins, lorsque celle-ci n’est pas possible, à l’amélioration de sa santé.  Doris s’est engagée dans un parcours de médecine intégrative dans lequel les actions conjointes du patient et du médecin participent d’un processus global. Avec ce film, nous espérons pouvoir changer le regard sur le cancer, cette maladie dont la seule énonciation est chargée de morbidité.  Le récit filmique s’incarne à partir du vécu et du ressenti subjectif de la coréalisatrice. Par ce biais la figure du personnage devient un miroir de celle de la réalisatrice, et leurs visions entrent en réfraction.

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 Nous sentons tous les deux que l’histoire n’est pas celle de la maladie, ni celle de la malade, mais le récit d’une quête. Quel est l’objet de la quête ? Est-ce la guérison, est-ce la paix de l’esprit, est-ce la transmission ? L’objet se modifie au fur et à mesure des étapes, ce qui semblait de l’ordre de l’impérieuse nécessité hier, devient secondaire aujourd’hui. Ce n’est pas l’objet qui importe mais le processus de la quête. Et le regard que nous portons dessus.

Dans les recherches entreprises par Doris pour comprendre le processus de la cancérogénèse, elle découvre que comme tous les vertébrés, son corps est équipé d’un dispositif fascinant : le système endocannabinoïde. Et qu’il existe des traitements anti cancer prometteurs élaborés à partir des principes actifs du cannabis mais en France la recherche est freinée par la prohibition. Après 2 ans de traitements conventionnels radiothérapie, chirurgies, chimiothérapies, le cancer continue à se métastaser.

N’ayant pas le temps d’attendre une hypothétique légalisation. Elle décide de tenter sa propre expérience tout en explorant l’état actuel de la recherche. Nous commençons à documenter ce processus au printemps 2021, d’abord par réflexe professionnel, comme une façon de regarder la maladie à distance, derrière l’objectif et de la débarrasser de ses connotations morbides qui assombrissent la vie de la malade  et celle de ses proches.

Ce geste filmique nous engage dans une réflexion sur un parcours de guérison. Ce parcours nous emmène à la découverte de certains aspects de la recherche actuelle mais également de la place du patient dans le parcours de soin. Le film ouvre un espace de dialogue entre la patiente et les soignants, les chercheurs, d’autres malades ainsi que les proches. Il s’inscrit dans un réel contraint car il est lié à l’évolution de la maladie de Doris. Les séquences sont filmées avec un dispositif de tournage léger qui nous permet de pénétrer dans les lieux d’examens et/ ou de soins médicaux avec fluidité et discrétion mais également de condenser les moments de respiration, de vie. Cette matière est archivée pour ensuite être remise en scène dans l’écriture définitive du scénario.

Quelque soit l’issue de la situation, ce qui nous est nécessaire est de pouvoir faire cette tentative, de s’être donné cette chance de façon éclairée et consciente et de pouvoir  la partager avec d’autres.

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Les questionnements qui habitent le film, sont ceux qui jalonnent la maladie lorsqu’elle menace le pronostic vital : le rapport au corps mutilé par les chirurgies, mis à mal par la toxicité des traitements et sa stupéfiante résilience, la question de la prise en charge de la douleur et celle encore tabou de la fin de vie, la préservation de la dignité, la peur d’être dépossédé de nos derniers moments, de devoir les subir plutôt que de les choisir. Le rapport à la mort, qui comme l’énonçait Lacan, peut être perçu comme un acte de foi permettant de supporter l’existence.

Il y a bien sûr le corps comme point de départ, le besoin de comprendre la cancérogénèse : quelles batailles invisibles s’y livrent et comment faire pencher l’issue d’un côté ou de l’autre ?

Il y a les émotions que l’épreuve va solliciter, l’angoisse, la peur du regard des autres, le vertige de la perte de contrôle sur soi-même, tout cela dans le cadre chaotique de la crise sanitaire qui a relégué toutes les pathologies autres que la Covid au second rang.
Enfin, il y les choix thérapeutiques, prendre la situation à bras le corps et faire face. Ne plus être la « patiente » mais l’impatiente, celle qui questionne, celle qui cherche, celle qui décide des limites de son corps.

Dans son expérimentation avec le cannabis médical, Doris nous entraine à la (re)découverte d’une maitresse plante et de ses effets médicinaux connus depuis l’aube de l’humanité, des réticences également qu’elle suscite par ses usages différents selon là où on se trouve sur la planète, nous ne sommes pas dans le registre de l’enquête, mais dans celui d’un récit singulier et intime.

Toutes ces questions sont sous tendues par la joie d’être en vie, la curiosité qui pousse à ouvrir des portes dont on ne soupçonnait pas l’existence. Après plus d’une année sans chimiothérapie, l’état de Doris se stabilise puis s’améliore. Les thérapies préconisées sont remplacées par des interventions moins invasives, l’espoir est fragile mais il est bien là.

L’urgence étant moins vive, nous sommes prêts pour la scénarisation du récit.
Nous avons identifié et sélectionnés des chercheurs, biologistes, génomiciens, soignants et patients que nous avons identifiés sur 3 territoires : Europe, Canada, Israël. Il nous faut à présent trouver les choix narratifs et esthétiques pour construire un récit filmique qui met en scène la transformation du regard à partir du ressenti intime de la protagoniste et le parcours de la cellule cancéreuse à la thérapie. Nous avons besoin de nous appuyer sur des preuves scientifiques valides mais nous voulons aussi donner le plus de champ possible à l’intimité du récit.

Cette phase d’écriture est nécessaire pour pouvoir construire cette architecture complexe que nous imaginons entre plongée au cœur de la cellule et de son génome et souffle de vie.

septembre 2022

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